Déjà 3 ans.
Aujourd'hui ça fait un peu plus de 3 ans.
Cette aventure, cette pièce, cette ville a commencé à se construire l'été 2018,
Je me rappelle très bien la première fulgurance,
''Ce sera un triptyque !'',
Pour chacun : un paysage, une époque charnière.
Le premier ce sera une ville, et la peste noire.
On va prendre de la distance pour parler de notre monde.
Avec les quelques outils qu'on a ; on commence à écrire,
des bouts,
des figures,
On invente des chevaux qui parlent, des démons mangeurs d'étoiles,
On puise dans "Il est difficile d'être un dieu".
On était 5.
Il y a une rupture,
on est dans mon salon, il est midi, on fume, les estomacs noués,
on n’est plus que 4.
Et on retrouve l’appétit de créer,
on a des discussions improbables sur trois personnages qui racontent des personnes d'une ville qui parfois elles-mêmes racontent d'autres personnes.
Toujours des pauvres, des pauvres, des pauvres.
On le dit « je suis fatigué de pas avoir un rond et de voir partout des histoires avec des riches, des nobles, des rois ».
On lit Antoine Volodine encore et encore, merci à lui !
On se donne une échéance ce sera l'automne 2021.
C'est passé si vite...
Nous sommes à peine en 2019, entre temps on rassemble tout ce qu'on peut, matériaux historiques, fictionnels, nouvelles méthodes de travail...
On prends le temps.
On arrive pour la première fois au plateau en 2019 à la maison Jacques Copeau, on avait 60 pages de textes écrites dont il doit rester à peine quelques lignes dans le spectacle.
Là on rit,
on imagine le puits,
on rêve la ville,
on invente un épisode de Don Quichotte.
C'était notre première semaine de résidence, elle est belle.
On continue d'inventer des bouffonneries à Jules Julien.
On appelle Clélia parce qu'on sent que ce sont ses lumières qu'on veut pour le spectacle.
On prend rendez-vous.
Ensuite le réel nous rattrape.
L'épidémie.
On annule le rendez-vous.
La ville. La peste.
La fiction colle maintenant au réel.
On rencontre Clélia quand même
et elle nous rejoint.
On aurait dû aller au Pavillon Mazar.
Finalement on sort de confinement à Mix'Art,
et on entend une voix dire ''j'ai réfléchi longtemps avant de dire ça : J'arrête''.
On quitte les bruits de disqueuse de Myrys pour l'arrière-cour du 235, on discute beaucoup, on pleure un peu.
On est tous et toutes chamboulé·es par le confinement.
On continue un temps à trois,
mais avec la promesse d'un retour à la fin de l'été,
une fois l'esprit retrouvé.
On écrit encore et on rit toujours à Villerouge.
On se retrouve au Pari à Tarbes en septembre mais il nous manque encore quelqu'un.
Quelqu'un d'autre.
Naufrage. Si, si, pour de vrai. Un naufrage au Sud de l’Espagne.
On fait difficilement mieux comme excuse de retard.
Ça fait presque 10 ans qu'on se connaît,
alors on sourit et on travaille en attendant son retour.
Et ça y est la deuxième semaine à Tarbes nous sommes à nouveau quatre.
Le retour, la peau tannée et l'aventure comme un sourire tendu sur le visage.
On présente notre rêve de spectacle pour la première fois au Pari.
Ah si, cette saison on est artistes associés au Théâtre Jules-Julien, on est fier·es.
On rencontre Camille et on parle accessoires et scénographie, elle plonge avec nous au fond du puits et en un quart d'heure elle disperse déjà des solutions sur le plateau avec une facilité déconcertante.
On rencontrera même Antoine Volodine. Après avoir lu plus de 20 de ses livres ça fait au chaud au cœur d'échanger avec lui sur le spectacle.
Puis vient un deuxième confinement qui s’éternisera.
On passe Noël au Théâtre du Pont Neuf,
On passe des semaines de travail pour des minutes de spectacle mais quand elle sont belles comme ça, ça vaut le coup.
On sent le spectacle se former sous nos pieds.
Puis
on fatigue à créer, on est à 7 semaines sur les 16 prévues
on écume d'autres crises,
on prends le temps et
on décide de travailler uniquement trois heures par jour,
et c'est presque magique,
on retrouve la joie - elle aussi avait dû faire naufrage en cours de route.
Camille et Kenza fabriquent des merveilles, ça commence à avoir méchamment de la gueule.
Nous sommes 8 et on déroule une pièce monstre de 3 heures.
L'heure est venue de faire des choix.
On se retrouve à Jules-Julien encore !
Merci à elles et à eux pour leur soutien indéfectible, leurs conseils toujours précieux, on leur doit tant.
On affine, on précise, on met du corps à l'ensemble,
on accueille une poignée d'ami·es pour voir le travail, leurs regards croisés finalisent la structure.
Noé vient nous voir une fois par semaine, il nous sort la tête du guidon, nous requestionne, il est tour a tour chargé de diff, assistant, et un soutien.
Clélia nous rejoint et elle fait de la magie avec ses lumières, et ça fait un bien fou !
Plus de 3 ans,
entre l'idée de ce spectacle et ce que vous verrez, il y a eu 6 crises, 1 départ, 3 arrivées, 16 semaines de résidence, 10 lieux de résidence dont 2 ont dû fermer, plus de 100 personnages de fiction, 3 ans de recherche et de lectures, 1 épidémie, 3 ou 4 confinements.
Et tout ce temps s'est condensé en nous, en souvenir, en image et aussi un peu dans ce spectacle.